L’année dernière, j’ai suivi une formation “classe inversée”. Formation d’ailleurs vraiment très intéressante.
On retrouve dans la diversité des documents déjà existants notre liberté pédagogique dans l’interprétation de cette méthode. Je vais décrire ici ma première expérience, dont je suis très contente. Je vais essayer d’être structurée dans mon explication, il est possible que je revienne toucher à cet article pour remettre un peu d’ordre dans mes idées, dans un premier temps, il sera rédigé comme il me vient en tête.
Niveau et thème choisi : 4ème, cycle 4, “Multiplications et Divisions de Fractions”.
Période : trois premières semaines de janvier.
A noter que : avant l’expérience, j’ai expliqué aux élèves l’intérêt de ce que nous allions faire, la différence de méthode de travail, les enjeux pour eux, le fait qu’ils allaient gagner en autonomie et devenir responsables de leur avancement, etc. ; et après l’expérience, nous avons fait un bilan, qui avait joué le jeu et appris, qui en revanche avait le sentiment de ne pas donner le maximum. Bilan également avec la personne qui surveillait les études guidées : elle avait été ravie de constater que la majorité des élèves s’imposaient plus de travail personnel que lorsque c’est moi qui le donnais, quand elle leur a demandé pourquoi, ils ont répondu : ben cette fois, on travaille pour nous, on choisit ce qui peut nous aider et on peut refaire jusqu’à ce qu’on réussisse, et on doit réussir avant le contrôle.
Supports :
- le dossier photocopié pour chaque élève de la façon suivante : les 4 premières pages sur un A3 en recto verso, et les pages suivantes en A4 recto verso, de façon à avoir une “chemise” qui contient toute la séquence. La séquence est découpée en séances, contenant la plupart du temps une activité d’introduction, une partie cours, un ou plusieurs exemple(s) bien détaillé(s), et une liste d’exercices triés par niveau de difficulté (*, **, ***) et par support (cahier d’activités, manuel, ordinateur de la classe avec accès à Labomep)
Les élèves ont un cahier d’exercices, leur porte-vues de cours, certains un cahier de brouillons, les sont responsables d’apporter leur matériel (manuel, cahier d’activités, calculatrice, etc.), et travaillent avec ce qu’ils ont. - sur le bureau du professeur, les corrigés des exercices imprimés et agrafés en livrets de couleur, en trois exemplaires. Les élèves sont libres de venir chercher un livret pour se corriger un exercice, et reviennent le remettre en place lorsque leur correction est faite. Mis en place également : un tableau de trois colonnes intitulé : Labomep, première colonne : Date, deuxième colonne : Nom et prénom, troisième colonne : Vu par le professeur (je devais donner mon accord pour qu’ils aient effectivement accès, ainsi, un élève ne peut pas s’inscrire trop souvent, afin de laisser tous ceux qui le souhaitent s’inscrire. Au maximum cinq élèves ont le temps de passer par heure de cours, tout s’est très bien déroulé.
Organisation :
- Deux possibilités pour le rythme de travail :
- les élèves les plus à l’aise, déjà autonomes et motivés, sont allés à leur propre rythme. Ils se sont choisis leurs exercices, se les sont corrigés, m’ont sollicitée lorsque nécessaire, ont complété leur dossier au fur et à mesure, ont réalisé leur carte mentale et se sont préparé à l’évaluation. Les plus rapides ont eu le temps de rechercher des exemples d’évaluations sur internet, de les imprimer, et de les faire en classe afin de s’entraîner à l’évaluation pendant le temps de cours.
- les élèves qui ont besoin d’être guidés ont suivi le rythme que j’ai suggéré : une séance par heure de cours, c’est à ce rythme que j’ai expliqué les notions à ceux qui en ont besoin. Parfois, les élèves en autonomie arrêtaient leur travail le temps des explications, même s’ils avaient déjà achevé cette partie, puis reprenaient leur progression après
- Ce que les élèves doivent respecter :
- toutes les séances doivent être réalisées.
- à la fin de chaque séance, il faut colorier la ceinture pour indiquer comment ils se sentent (jaune : débutant, a besoin d’entraînement / noir : très à l’aise).
- pour les exercices associés à une séance : il faut obligatoirement avoir réussi au minimum trois exercices * et trois exercices ** avant de passer aux exercices sur la tablette. Si tous les exercices ont été ratés, on se corrige soigneusement, et on recommence, jusqu’à en réussir trois consécutivement.
- tous les exercices doivent être rédigés comme s’ils étaient faits sur un contrôle : avec précision, proprement, avec des phrases, etc.
- le rythme le plus lent est une séance par cours, si jamais on a besoin de plus de temps à passer sur une séance, il faudra ajouter du travail personnel à la maison, sinon, il ne sera pas possible d’être prêt à temps pour l’évaluation.
- tous les exercices faits doivent être corrigés.
- toutes les parties de cours doivent être valorisées (fluo, compléments d’explications, etc.), ainsi que les exemples que l’on trouve importants ou exercices que l’on a eu du mal à faire.
- à la fin de la séquence, il faut obligatoirement faire une carte mentale complète, propre, et insérer cette carte mentale dans le porte-vues de cours.
- pendant une heure de mathématiques, on travaille les mathématiques, on reste dans le thème de la séquence travaillée.
- les libertés des élèves :
- vous pouvez aller plus vite.
- vous choisissez seul les exercices à faire pour la fois prochaine, vous corrigez seuls vos exercices.
- vous pouvez choisir de refaire un exercice jusqu’à ce qu’il soit réussi, plutôt que de faire cinq exercices ratés.
- vous pouvez travailler en groupe, tant que le travail est efficace et dans un niveau sonore sobre, permettant à tous de travailler sereinement, vous êtes libres de travailler avec qui vous souhaitez et où vous souhaitez.
- vous pouvez vous inscrire sur la fiche “Labomep” pour travailler un exercice ou deux sur internet pendant les heures de cours, en respectant la place de chacun.
- vous gérez seul le matériel à apporter en classe.
- vous êtes autorisé à apporter du matériel supplémentaire si vous le souhaitez, à consulter d’autres manuels, d’autres sources de cours.
- vous gérez seul votre préparation à l’évaluation.
- le maître mot de cette expérience (selon moi) : la confiance. Pas de travail imposé, pas de vérification du travail fait, en tout cas pas de manière empirique. Et si un élève ne travaille pas assez ? Et bien il ratera l’évaluation. Les élèves savent parfaitement si leur travail est suffisant, s’ils ont compris ou non une notion, ils sont en période d’apprentissage et il en fait partie de comprendre que plus je m’investis, mieux je réussis. Lors de la mise en place de cette méthode, certains ont besoin de commencer par un échec avant de bien réagir. Et que faire de cet élève décrocheur qui perturbe systématiquement tous mes cours ? Il faudra peut-être l’isoler à une table seul, être présent pour répondre à ses questions et le motiver à travailler au moins autant qu’en temps normal. En faisant confiance à tous, la plupart des élèves ont eu envie d’en faire encore plus, par rapport à lorsque tout leur est imposé.
- que faire si un élève ne joue pas le jeu, décroche ? Nous avons toujours accès aux outils habituels. Nous devons établir un dialogue avec cet élève, bien lui faire comprendre l’enjeu de cette expérience. Si toutefois l’élève n’arrive pas à trouver l’envie de se mettre au travail, lors des formations j’ai entendu les deux options principales : soit on le laisse se présenter à l’examen sans qu’il ne soit prêt, et on dialogue à nouveau après l’évaluation, pour déceler si l’élève se rend compte que s’il avait joué le jeu il aurait réussi ; soit on prend rendez-vous avec la famille afin d’expliquer à l’élève et à la famille l’importance de son investissement personnel pour sa réussite, afin qu’il ait à la maison le soutien dont il a besoin.
Avantages :
- les élèves sont plus responsables de leur formation : dès le début de la séquence, ils ont à disposition tout ce qu’on attend d’eux, tout ce qu’ils doivent maîtriser, une progression suggérée (une heure une séance), une méthodologie, et ils ont aussi la date de l’évaluation. A eux de s’organiser pour être prêt le jour demandé.
- amélioration de l’ambiance de travail : en retirant la partie où on vérifie le travail fait, on met des croix dans le carnet, etc., et en faisant confiance, on valorise nos élèves et le dialogue devient plus facile entre eux et nous.
- la possibilité pendant les heures de cours d’être présent à la fois pour les élèves en difficulté, et pour les élèves qui ont un bon niveau.
- plus d’enthousiasme, plus de questions lors des explications.
- la place de l’enseignant : idéalement, jamais au tableau et toujours au milieu des élèves, pour cette expérience cependant, j’ai choisi d’avoir des moments où j’étais au tableau pour expliquer un mécanisme à un plus grand groupe d’élèves, mais je n’imposais pas de suivre, les élèves plus rapides pouvaient travailler sur d’autre chose et avaient la consigne de ne pas échanger entre eux tant que j’expliquais aux élèves moins rapides ; en dehors de ces moments, j’étais au milieu des élèves, je m’asseyais à une table ou à une autre, vérifiais l’avancée des élèves qui étaient très fiers de me montrer qu’ils progressaient seuls, ou presque seuls.
- le travail en amont est très grand (toute la séquence + les corrigés + l’entraînement en ligne sur les exercices interactifs + l’évaluation), donc concrètement, pendant la séquence, on n’a pas d’autre travail de préparation et on peut se consacrer uniquement aux élèves. On a davantage de temps pour répondre aux demandes spécifiques de quelques élèves (un exercices de rappel à trouver sur une notion précédente dont A.. a besoin, un exercice d’approfondissement pour B. qui va très vite, une explication à nouveau pour C. et D. qui sont plus fragiles)
- le fait d’avoir le temps en classe de refaire un exercice plusieurs fois est très bénéfique pour un élève qui a l’habitude de rater tous ses exercices : il peut apprécier avoir réussi un exercice en classe.
- les élèves ont énormément apprécié cette confiance, cette liberté, cette ambiance de travail, et ont été demandeurs que l’expérience soit renouvelée.
- je pense qu’une séquence bien préparée peut être utilisée plusieurs années ou dans plusieurs classes, ainsi le temps passé à concevoir l’outil est rentabilisé.
Inconvénients :
- comme pour tous les travaux de groupes, il faut régulièrement rappeler à l’ordre pour que le niveau sonore reste acceptable, sans quoi, il nous faudra trois heures pour nous remettre d’une heure de travail en classe.
- je ne sais pas si la méthode est adaptable à la totalité des séquences.
- certes, l’élève décrocheur n’a rien fait, avec lui c’est un échec, c’était un échec avec toutes les méthodes testées précédemment ainsi qu’avec les méthodes traditionnelles, je suis convaincue que c’est l’élève qui est au cœur de sa réussite et que lui seul peut choisir de réussir, de la même façon, un élève qui a décidé de ne pas réussir et qui met tout en oeuvre pour échouer parviendra à ses fins quoi que l’on mette en place, à nous de continuer à croire en lui malgré lui et de le lui montrer, de continuer à établir le dialogue et à valoriser ce qu’il arrive à faire.
- il est vraiment très long de préparer une séquence, je pense que si je choisis d’enseigner davantage avec cette méthode, je m’y mettrai progressivement, peut-être en préparant une à deux nouvelles séquences par an.
- nous avons perdu un peu de temps en début d’expérience pour expliquer l’organisation de travail, et sur le dossier, une place assez conséquente est réservée à l’explication de cette nouvelle façon de travailler. Mais je pense que si l’expérience se renouvelle, ce sera finalement un gain de temps, et d’espace, puisque les séquences suivantes n’auront pas besoin de cette page de garde qui donne les règles du “jeu”. Ne faire qu’un seul essai n’est peut-être pas un très bon calcul d’un point de vue rentabilité / temps.
Je rappelle que c’était une première expérience : tout est critiquable / modifiable / à modifier. Voici le dossier que j’ai distribué aux élèves :